Désaltération et digitalisation
Cet article est la troisième partie de : UX — Distributeurs automatiques, un voyage dans le temps.
- Partie 1 : L’enfant et le vendeur métallique.
- Partie 2 : Le vendeur métallique au pays du soleil levant
Six ans après cette première expérience avec les distributeurs nippons, en 2012, me voici à nouveau au Japon. En route pour Koshigaya Lake Town à Saitama au nord de Tokyo, vers un spot photo repéré sur Instagram, je découvre le nouveau distributeur automatique de boissons de la société Acure sur le quai de la gare. Un distributeur doté d’un écran tactile 47″, aussi grand qu’une télévision, de quoi attirer immédiatement l’attention des passants.
Une fois de plus, le Japon me confirme son statut de pays à la pointe de la technologie. La technologie, c’est bien, mais qu’allait-elle bien pouvoir changer ou apporter à l’expérience ?
Une nouvelle machine
Cette nouvelle machine, conçue par Fumie Shibata, designer industrielle dont vous pouvez consulter les nombreux travaux sur son portfolio, (notamment son travail sur l’hôtel capsule Nine Hours absolument remarquable !) montre quelques changements de taille.
Le premier changement, c’est évidemment l’écran tactile. Il vient remplacer plusieurs éléments présents physiquement auparavant. Les produits sont affichés à l’écran à taille réelle. Pertinent pour se faire une bonne idée du produit final et maintenir le lien avec le réel. Toujours présentent à l’écran les différentes informations produit (le prix, le type de boisson [chaud/froid]). S’ajoute sur une partie de l’écran un tutoriel sur l’utilisation de la machine alternant avec des publicités. L’interaction simple illustrée par ce tutoriel : sélectionner une boisson, payer, prendre son produit.
Peu de changements ont été opérés par rapport à l’expérience précédente. Les éléments physiques sont « simplement » transférés et gérés par l’interface. On ne pousse plus sur le bouton physique, on touche le produit que l’on veut acheter.
Quelques adaptations des fonctionnalités précédentes, au lieu d’allumer les boutons au-dessous des produits pour afficher uniquement ceux correspondant au montant inséré, l’écran opacifie les produits plus onéreux et met en évidence ceux correspondant au montant inséré permettant une lecture et un choix facilité.
Lorsqu’un produit tombe en rupture, il ne s’affiche tout simplement plus à l’écran. Plus de déception liée à la non-disponibilité d’un produit, seule la déception que ce distributeur n’en vend pas peut potentiellement subsister.
À me lire, cette machine ne vous semble peut-être pas si fantastique, et pourtant elle réussit à numériser avec brio son ancêtre analogique, tout en y ajoutant une touche d’émotionnel et une fluidité impressionnante.
Tout se joue dans le détail, la finition. Comme le montre la mise en évidence des produits correspondant au budget ou encore lorsqu’au terme de votre transaction, le produit « tombe » visuellement en dessous de l’écran. Une manière intelligente de lier le virtuel au réel, le digital au physique. « Thank you » ! On vous remercie également pour l’achat. On remarque toute l’importance apportée au relationnel client.
Cette machine est une réussite d’ajout du digital et d’utilisation des écrans tactiles sur un objet. Une inspiration.
Sous le capot
Et ce n’est pas tout, le tour de force se cache dans les entrailles de la machine. Une camera présente sur le haut de l’écran, permet de recueillir des données telles que le sexe et une estimation de l’âge des personnes qui approchent de l’appareil. Le futur client visualise alors sur l’écran des recommandations de produit en fonction de ces critères et des achats favoris de sa tranche d’âge ou de sexe. Tout ceci en fonction de l’heure du jour ou de la nuit, mais aussi de la température extérieure. Ces critères servent aussi un marketing ciblé diffusé sur le côté droit de l’écran.
La machine a permis de découvrir des comportements clients tels que l’achat de jus de fruits plus que toute autre boisson par des hommes dans la trentaine la nuit, par exemple en compilant les préférences d’achats des profils client. La société a pu grâce à ces informations modifier le contenu des stocks de ses machines, et optimiser la gestion de réapprovisionnement des stocks.
Six mois après l’installation de la première machine à Shinagawa, le nombre de ventes de ces nouvelles machines avait doublé comparé aux autres modèles.
Qui a dit que bonne expérience rimait avec conversion ?
De nouvelles opportunités
Quelques années s’écoulent, le modèle que je connais a évolué. Il s’est affiné, modernisé, il est plus attirant, plus sexy. Il vient remplacer peu à peu ses ancêtres digitaux. Toujours aussi agréable à utiliser, je cherche une excuse pour interagir avec lui, dès que possible.
Un ajout notable à ce modèle, une fonctionnalité « accessibilité » permettant de rendre accessibles les produits au bas de l’écran.
Petite modification au moment où le produit est acheté. Il “tombe dans l’eau” comme pour déjà vous désaltérer avant même la première gorgée. Subtile.
Ce lifting n’arrive pas seul. Quelque temps plus tard, ce distributeur se voit doté d’un compagnon. Une application mobile fait son apparition ! Notre distributeur ne se contente plus de vendre des produits. Il offre maintenant toute une série de services à l’aide de celle-ci. Il évolue et devient aussi un point de retrait d’un achat réalisé en amont, lors d’un trajet ou depuis le calme de son canapé.
Il vous suffit de scanner le code QR contenu dans l’application en arrivant devant l’appareil pour afficher vos achats.
Ce qui rend ce service encore plus intéressant, c’est notamment la possibilité de s’abonner à certains produits, ou d’acheter en volume pour bénéficier de réductions. Mais encore de recevoir des boissons gratuites ou des offres promotionnelles.
Il vous est même possible d’offrir des boissons à vos collègues, vos amis, ou votre moitié. Une manière de connecter les gens et d’ajouter de l’émotionnel à l’achat d’une boisson mais aussi de fidéliser vos clients ou d’en convertir de nouveaux.
De nouvelles expériences s’offrent à vous. Peu à peu vous rentrez dans l’écosystème Acure pour rarement en sortir… Il n’a rarement été aussi agréable que d’interagir avec une machine jusqu’ici.
À mon retour de voyage, il ne me restait plus que mes souvenirs de ces automates modernes ainsi que mon envie de les voir pointer le bout de leur nez dans nos contrées. En attendant, je retrouvais mes bons vieux distributeurs à spirales et me détournait de leur usage.
Jusqu’au jour où…
Retrouvons-nous dans UX — Distributeurs automatiques, un voyage dans le temps. Partie 4 : La maladie des tablettes
Vous avez également utilisé une de ces machines ? N’hésitez pas à réagir en commentaires !
Source : https://www.designboom.com/design/acure-digital-vending-machine/