Des origines sacrées
Cet article est la dernière partie de : UX — Distributeurs automatiques, un voyage dans le temps.
- Partie 1: L’enfant et le vendeur métallique.
- Partie 2 : L’étancheur de soif au pays du soleil levant
- Partie 3 : Désaltération et digitalisation
- Partie 4 : La maladie des tablettes
Direction le passé donc, pour mieux comprendre les origines de nos amis automates et la raison première de leur existence ! Que reste-t-il comme héritage expérientiel aujourd’hui ?
Fraichement débarqué au premier siècle après Jésus-Christ de l’Égypte Romane grâce à la DeLorean empruntée au Doc, je m’aventure dans la ville et j’y découvre l’ancêtre des vendeurs métalliques d’hier et d’aujourd’hui.
Ils sont tous descendants d’une machine, d’un mécanisme mis au point par Héron d’Alexandrie, ingénieur, mécanicien et mathématicien grec. Grand inventeur concepteur de son époque, c’est à lui que l’on doit notamment un dispositif permettant d’ouvrir une porte automatiquement en allumant un feu. Héron avait le sens de la mise en scène et ses inventions avaient souvent pour but de déconcerter et d’étonner ses utilisateurs.
La pneumatique et l’automation étaient ses terrains de jeu favoris et ses ouvrages Pneumatica et Automataen témoignent encore aujourd’hui (je vous encourage vivement à vous y intéresser !).
Mais revenons à notre mécanisme créé par Héron pour les temples. Un distributeur d’eau bénite automatique ! Étonnamment, l’objectif premier de cette invention n’est pas uniquement de remplacer l’humain qui dispense l’eau, mais bien pour compenser un échec du code d’honneur. En effet, les mécènes des temples emportaient plus d’eau bénite qu’ils n’en payaient. C’est pour contrer ce problème que Héron inventa le premier distributeur automatique.
Un mécanisme simple, qui donne lieu à une interaction simple. Le fidèle dépose une pièce dans une fente et l’eau bénite lui est dispensée.
Un mécanisme ingénieux, qui aux yeux de ceux qui n’avaient pas la chance de l’observer, relevait de la pure magie ou tout simplement d’un miracle.
Qu’a-t-il bien pu se passer au fil des siècles pour oublier l’harmonie de ces trois facteurs ?
Ce qui me frappe après toutes ces expériences, c’est qu’il est facile de se détourner du chemin de la valeur apportée à l’utilisateur.
La ligne du temps
Le point de départ survient d’un problème rencontré par les temples. Le temps nécessaire pour bénir l’eau et la distribuer est chronophage. En sus, une partie des fidèles prennent plus d’eau que ce qui leur est normalement permis. Pour répondre à cette problématique, un système automatique est créé. Il permet de résoudre la problématique des prêtres, et répond au besoin de l’utilisateur en ajoutant une touche émotionnelle (cette sensation de miracle pour ceux n’ayant pas connaissance du mécanisme). L’interaction intervient en trois temps, déposer une pièce, recevoir l’eau, utiliser l’eau.
Plus tard, on conçoit des machines capables de vendre différents produits dans un seul et même appareil. Dans le cas d’une machine qui distribue une multitude de boissons ou d’encas, la diversité du choix produit laisse penser qu’il est normal que l’interaction se complexifie. L’interaction intervient en plusieurs étapes, insérer la monnaie, choisir son produit et vérifier si vous pouvez vous le payer (charge mentale), sélectionner le produit avec les touches numériques sans se tromper, recevoir son produit. Globalement, le travail est fait mais reste loin d’être parfait ou d’enchanter.
Je le découvre plus tard en voyage mais le distributeur de la piscine n’est pas la seule vision existante de ce produit qu’est le distributeur automatique. A la même période existait déjà une solution mieux travaillée qui permet de s’affranchir de la complexité de choix, que ce soit par la visualisation des produits au budget mis en avant, ou par le bouton poussoir pour sélectionner le produit. L’interaction se résume en quatre temps : insérer sa monnaie, choisir son produit plus facilement, sélectionner et recevoir son produit.
La technologie des écrans tactiles se développe. Les distributeurs japonais évoluent. Ils apportent la même qualité d’interaction et de service en ajoutant des couches émotionnelles et une personnalisation. En arrière-plan ils amènent une performance logistique et optimisent la gestion de stock. La proposition de valeur est intacte, elle enchante même. Elle offre également plus de valeur à l’entreprise. On transforme l’usage et le distributeur devient le point de contact d’un service dont l’objet et de désaltérer ou réchauffer son client ou un proche de celui-ci.
La technologie des écrans tactiles bat son plein, ils se retrouvent maintenant sur nos distributeurs européens. On rend un parcours d’achat déjà perfectible plus chronophage, plus complexe et incohérent avec le contexte.
“When you digitize a shitty process, you have a shitty digital process!”
Thorsten Dirks
L’intervalle entre votre client et votre proposition de valeur se creuse. Plus on se détourne de l’objectif poursuivi par notre utilisateur et plus le chemin à parcourir est long pour l’atteindre, moins l’acquisition sera importante.
Pour peu qu’il n’y ait pas d’attente au kiosque du coin, prendre ma boisson dans un frigo et payer au comptoir va beaucoup plus vite et restera plus agréable que de passer par ce dernier distributeur. Il sera le dernier choix quand toute alternative n’est pas possible.
Ou comme l’a dit un jour Thorsten Dirks (former CEO of Telefonica Germany) « Quand vous numérisez un processus de merde, vous avez un processus numérique de merde ! »
Héron réussi à créer un mécanisme qui donne accès à la valeur quasi instantanément. Notre distributeur de piscine s’éloigne de l’immédiateté alors que notre ami nippon maintient le statuquo avec Héron (si l’on tient compte la diversité proposée). Elle arrive même à créer de l’émotion et un écosystème. La version moderne européenne déçoit, elle rend le chemin presque interminable et semé d’embuches.
Avant de numériser un processus ou d’ajouter un écran tactile, il est important de se poser les bonnes questions. Pourquoi l’ajoutons-nous ? La valeur client est-elle délivrée rapidement et l’accès est-il facilité ? Enchantons-nous ? Quelle valeur créons-nous pour notre business sans mettre en péril notre proposition de valeur ?
Dans le contexte écologique et épidémique actuel, on peut s’interroger sur l’évolution que suivra cet objet. Un distributeur zéro déchet qui remplit votre gourde réutilisable verra-t-il le jour ? Quelles réponses sanitaires apporter à cet appareil ?
Le terrain de jeu est immense, j’ai hâte de le découvrir…
FIN
Outro
Ces articles reflètent mes expériences personnelles avec ces machines en tant qu’utilisateur ou client. Il existe bien évidemment d’autres modèles plus ou moins réussis comme ceux de The Coca Cola Company par exemple. La liste des types de distributeurs est longue et c’est un univers qui se décline dans d’autres domaines que l’alimentation. Il y a encore énormément de choses à dire et à apprendre sur ces machines.
Elles illustrent à merveille que vos clients jugent les expériences vécues avec vos produits ou services en les comparant à celles d’autres entreprisent. Et leurs expériences n’ont pas de frontières…
Sources :Gizmodo : The first ever vending machine stopped people from stealing holy water — Wikipédia : Vendingmachine & Heron of Alexandria — Youtube : Ancient Tv | Did Heron Invent the First Vending Machine Over 2000 Years Ago? Nippon.com : Vending machines